La vie

C’est un poil tendu, non ?

Depuis quelques semaines, je trouve les actualités très anxiogènes. Depuis la mort du jeune Nahel, je sens que le clivage se dessine plus distinctement. Pour la première fois, je sens qu’il est délicat d’aborder le sujet des émeutes et des violences. Depuis ce drame qui a mis en lumière de précédents drames, je sens un fossé béant se creuser entre nous et j’ai très peur.

C’est étrange comme notre monde nous apparaît de manière si diverses aux uns et aux autres. Comme nos connaissances, nos expériences, notre éducation, notre culture… nous font voir le monde sous des prismes différents.

Et pourtant…

Hier, la ligue des droits de l’homme a rendu son rapport sur la manifestation à Sainte Soline. Il cite un usage de la force « disproportionné et indiscriminé de la part des autorités, ainsi que l’entrave à l’intervention des secours ». L’ONU s’inquiète des dérives autoritaires du pays. Nous en sommes à 14 morts en 1 an. 14 personnes ont été tuées par la police cette dernière année. La France est le pays d’Europe où la police tue le plus. C’est une dérive grave facilitée par la loi de 2017.

Alors, que la réponse des jeunes-de-banlieues soient la colère et la révolte, pardon mais je vois même pas comment il pourrait en être autrement.

« Les émeutes sont le langage de ceux que l’on n’entend pas » disait Martin Luther King.

Je ne sais pas ce que c’est que de vivre dans des tours, en cité. Je ne sais pas ce que c’est que d’être noir, arabe. Je ne sais pas ce que ça fait d’être contrôlé plusieurs fois par jour. Je ne sais pas ce que c’est que de grandir en France quand on est racisé. Je ne sais pas… et je ne le saurai jamais parce que moi, je suis bien née. Au bon endroit, avec la bonne couleur de peau, la bonne nationalité. Mais quand je lis Fatima Ouassak ou que j’écoute les podcast « Kiffe ta race » de Rokhaya Diallo, je m’en approche un peu. J’essaie au moins.

On oublie la violence institutionnelle. On s’indigne peu de la délinquance en col blanc, de l’indécence des puissants, de leurs manigances et leurs perversités.

De quel côté se place la violence ? La dissolution d’un mouvement écologique ne vous heurte pas plus qu’une poubelle brûlée ? On était si peu nombreux au rassemblement. Désolation. S’il n’y avait pas eu de gens pour désobéir dans le passé, on n’aurait jamais obtenu toutes ces avancées. A commencer par le vote des femmes. Lisez Titiou Lecoq « les grandes oubliées de l’histoire »

En attendant, pendant qu’on bosse, qu’on dort, qu’on regarde ailleurs, le fascisme grandi et ça ne semble pas inquiéter grand monde.

S’il y a 2 choses qui me terrifient au plus haut point ce sont : 1) l’avenir de mes enfants sur cette planète que l’on assassine dans le plus grand des calmes et 2) les idées d’extrême droite décomplexées que le gouvernement tolère et même incite dans le plus grand des calmes (alors que les manifestations pour Adama Traoré ont été interdites, en mai, des néo-nazis défilaient dans Paris avec l’autorisation de la préfecture – source : Mathieu Burgalassi).

Je n’écris pas ces mots pour vous qui me lirez peut-être, je les écris pour mes filles qui les liront plus tard. Un jour, où l’on se dira : « comment avons nous fait pour laisser faire ? » C’est ce qu’on se dit quand on regarde l’histoire « comment toutes ces horreurs ont-elles pu advenir ? » Mais l’histoire se répète. Et, on ne fait rien. On n’y croit pas. On ne veut pas voir…

Est-ce-qu’on est obligés de lire, de creuser, de mettre le nez dedans en permanence ? Est-ce-que nous devons, en tant que citoyen, tenter de comprendre la société, la politique, les violences ? Si on a une bonne santé, un entourage soutenant, que l’on fait parti de la classe socioprofessionnelle dite « supérieure », que tout est à peu près à sa place dans notre vie… je dirais que oui. On a le devoir d’essayer de savoir, de bousculer nos idées. On a le devoir d’essayer de comprendre sans succomber à la facilité de penser. C’est fatigant, oui. Ça demande du temps, oui. Mais c’est passionnant aussi. C’est nécessaire surtout. « On est puissants » dit Camille Étienne (Écoutez-là dans le podcast de « La poudre » de Lauren Bastide, écoutez celui avec Salomé Saqué aussi). On se croit bon petit citoyen en allant aux urnes mais arrêtons de se voiler la face.

Demain, « les réseaux sociaux seront forcés d’effacer les contenus qui appellent à la révolte ». Demain Darmanin visera le poste de premier ministre, puis celui de président de la République… la démocratie vacille.

Dans deux jours, je pars en vacances. Je vais couper le son. Je vais me mettre au vert, prendre soin de ma santé mentale. Je vais profiter de nous 4 et chérir les moments doux des vacances.

2 commentaire

  1. Manon

    Ces mots font échos à nos discussions entre deux aiguilles et ravivent un peu plus, à la fois ma colère et ma tristesse mais également une chaleur au fond du cœur de savoir que je ne suis pas seule à m’interroger sur ce raz de marée qui balaye notre société et nos foyers. Merci pour tes mots

  2. Seb

    T’es même pas cap de couper les infos
    Prétentieuse 🙂 😜
    J’espère que tu te remets du puy du fou 😂

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