Sa nuit au musée

Lola Lafon fait partie des auteur.e.s qui ont participé à « ma nuit au musée » des éditions stock. L’idée est simple : passer une nuit parmi les œuvres d’un.e peintre et l’émulation artistique du lieu fait le reste. Enfin, je me plais à penser, moi aussi, que la richesse du lieu, la solitude de la nuit, les peurs sourdes, l’expérience presque méditative viennent sublimer le récit.

Lola Lafon a choisi de passer la nuit non pas au milieu d’œuvres mais plutôt au centre du désœuvrement, au milieu du vide et de l’absence. Elle s’est rendue dans le musée « la maison d’Anne Frank », à Amsterdam. Dans l’annexe même dans laquelle ont vécus la famille Frank et 4 autres clandestins juifs pendant 2 ans.

On connait tous le journal d’Anne Frank, mais Lola Lafon fait (re)naître une autre Anne Frank. La véritable. celle que l’on se doit de reconnaître. Parce que son nom, son histoire ont été réappropriés. Des passages de son récit ont été effacés parce que jugés trop tristes, trop dénonciateurs, pas assez puritains.

Anne Frank n’a pas écrit un journal. Un journal intime on l’écrit pour soi. Anne Frank a réécrit son journal en livre comme une autrice qui veut être publiée. Elle n’écrit pas pour elle. Elle nous écrit à nous, par delà le temps et l’espace.

Cette nuit dans la maison d’Anne Frank a fait émergé les fantômes de Lola Lafon. Elle a fini par pénétrer la chambre de l’adolescente après la retenue de toute une nuit. Elle a franchi son seuil, à l’aube, aidée par ses propres fantômes. Ce livre réhabilite Anne Frank et la judéité de Lola Lafon.

« Je crois encore à la bonté des hommes » disait Anne Frank. Oui, cette phrase passée à la postérité est partout en signe d’espoir face à l’horreur. Oui, mais… elle dit aussi ceci : « Il y a tout simplement chez les hommes un besoin de ravager, un besoin de frapper à mort, d’assassiner et de s’enivrer de violence, et tant que l’humanité entière, sans exception n’aura pas subi une grande métamorphose, la guerre fera rage, tout ce qui a été construit, cultivé, tout ce qui s’est développé sera tranché et anéanti, pour recommencer ensuite ! »

J’ai lu ces pages avec avidité, en quelques heures, et l’envie de relire Anne Frank à l’aune de ce que j’ai appris depuis ce livre ne me quitte pas.